Téléthon : Au coeur de la recherche contre les maladies rares


Chaque année, le Téléthon reçoit des millions d'euros de dons par la population française. Des sommes qui sont ensuite réparties à travers la recherche. Le Téléthon combat tout au long de l'année des milliers de maladies rares qui touchent moins d'un enfant sur 2000 pour chacune d'elles. Une préoccupation qui nous amène au Généthon et I-Stem : deux laboratoires conçus exclusivement pour la recherche liée au Téléthon. La rédaction de NVS Radio s'est rendue sur place à Evry-Courcouronnes au cœur des laboratoires du Téléthon.

Guérir une maladie, c'est le souhait de tout chercheur pour contribuer au progrès médical. Le Généthon, laboratoire unique en son genre, a été créé en 1990 par une association de malades et de parents pour cet objectif. 80% des maladies rares sont d'origine génétique. Le Généthon s'est donc imposé comme un centre de recherche pionnier dans la thérapie génique : un processus qui consiste à introduire du matériel génétique, donc d'ADN, dans l'organisme d'un patient. Frédéric Revah, directeur général du Généthon, nous explique en détail le procédé "Ce que l'on cherche, c'est reconstituer la bonne séquence génétique de ce gène, et on va essayer de véhiculer ce gène à l'intérieur de nos cellules. Pour cela, on utilise les propriétés naturelles de certains organismes qui existent dans la nature et que l'on connaît bien malheureusement d'une certaine manière : ce sont les virus." Le neurobiologiste d'origine se veut rassurant avec l'utilisation des virus "Il existe des virus que l'on appelle des adémovirus qui existent naturellement, mais qui ont cette propriété de ne pas être pathogènes. C'est-à-dire qu'ils ne transportent pas de maladie qui soit pathogène pour l'homme. Ils sont inoffensifs, et c'est ça qui nous intéresse. Ces virus ont des effets qui sont tout à fait intéressants pour nous parce que ce sont de bons candidats pour véhiculer les gènes qui nous intéressent."

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Frédéric Revah, directeur de Généthon

La thérapie génique au Généthon a connu un succès probant. En 2019, le premier médicament de thérapie génique pour l'amyotrophie spinale issu des recherches menées au laboratoire francilien obtient une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis. Actuellement, 4 000 bébés dans le monde ont bénéficié du médicament. La belle histoire également, c'est celle du petit Sacha. À l'âge de deux ans, il est diagnostiqué porteur de la maladie de Duchenne. Cette pathologie, "emblématique" du Téléthon, provoque une dégénérescence progressive des muscles de l'organisme. Le jeune Sacha ne pouvait donc plus marcher correctement, faire du vélo, donc des activités lambdas pour un être humain. En décembre 2022, l'enfant bénéficie d'un essai-clinique du candidat médicament mis au point par le Généthon. Des résultats qui seront un succès total. Hélène, la maman de Sacha, témoigne "Je n'ai jamais été aussi heureuse que depuis décembre 2022 ! Aujourd'hui Sacha, court, saute, grimpe, fait du vélo, ... Comme un enfant n'ayant jamais eu cette maladie" Ces événements miraculeux n'auraient pas été possibles sans les recherches des laboratoires du Téléthon.

Chaque jour, des chercheurs tentent de trouver la solution pour guérir des milliers de malades. C'est le cas avec la directrice de recherche Inserm Ana Buj-Bello. La chercheuse a conçu, avec son équipe, une thérapie génique pour la myopathie myotubulaire. Une maladie qui touche les muscles et les voies respiratoires, où 50% des enfants touchés meurent avant l'âge de deux ans. Dans les détails, la maladie est "causée par un gène nommé MT1 situé dans le chromosome X." À partir de cela, Ana Buj-Bello a développé une solution "nous au laboratoire, ce qu'on a fait, c'est déployer une thérapie génique pour essayer d'apporter une copie fonctionnelle du gène MT1 dans tous les muscles." Avant de mettre en place des essais cliniques "Nous avons donc établi une preuve de concept thérapeutique chez des modèles animaux. Nous avons mené des études précliniques pour montrer que ce traitement est efficace dans des modèles animaux. Ces résultats ont été très importants pour le démarrage d'un essai clinique international chez des patients atteints de myopathie mutubulaire."

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La concentration est de mise au Généthon !

Depuis 2017, 24 patients ont été traités par voie intraveineuse. Ana Buj-Bello est épatée par les résultats "Ce qu'on voit jusqu'à présent, c'est donc un effet thérapeutique majeur avec une augmentation de la force musculaire, une amélioration de la fonction motrice et respiratoire. Vous voyez ici les 24 patients. 16 sont capables de respirer par eux-mêmes sans assistance respiratoire, alors qu'avant, une ventilation artificielle était nécessaire." Des résultats contrastés par l'arrêt des essais cliniques, des effets secondaires ont été découverts. 4 enfants sont décédés, qui avaient une atteinte hépatique pré-existante et le traitement exacerbait cette atteinte. Ana Buj-Bello reste mesurée sur cette situation "C'est vraiment une belle victoire, au moins pour ceux qui l'ont, je pense qu'on est sur la bonne voie de commencer sur le développement d'un traitement pour ces patients."

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Ana Buj-Bello, responsable du laboratoire myopathies congénitales

 


La thérapie génique : une limite qui freine le progrès

La thérapie génique a ses limites. Concernant les virus utilisés pour guérir les maladies, une partie de la population a déjà été en contact avec eux. Frédéric Revah détaille "Nous avons tous un système immunitaire. Ce système immunitaire apprend à reconnaître ces organismes qui lui sont étrangers. Et comment se défend-t-il ? En produisant des anticorps. Ces anticorps, ce sont des éléments qui vont permettre à notre organisme de détruire ces virus." Des anticorps qui servent à détruire le virus vont donc bloquer l'injection. Environ 30 à 40% de la population globale sont donc inéligibles à ces potentielles injections. Pour contrer cela, Patrick Santambien, directeur technologie au Généthon, tente de trouver des solutions à ce problème qui empêche de pouvoir guérir tous les malades. En début d'année prochaine, un essai clinique va être testé avec une stratégie particulière. "On va utiliser un produit qui permet, en fait, de dégrader les anticorps qui existent dans l'organisme, mais de manière transitoire, juste avant l'injection du traitement, on va utiliser ce produit pour dégrader les anticorps et laisser passer le traitement pendant la durée nécessaire à l'atteinte des cellules C" évoque Patrick Santambien. Si les tests s'avèrent fructueux, l'avenir sera radieux selon le directeur technologique. "Et puis c'est transitoire après l'injection [...] ça ouvre la voie à ce que des gens qui n'étaient pas éligibles puissent bénéficier d'un traitement."

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Patrick Santambien, directeur technologie au Généthon

I-STEM : au coeur des cellules

La thérapie génique n'est pas la seule voie vers la guérison des maladies. Le centre de recherches I-Stem créé en 2005 élabore des traitements en utilisant des cellules souches. Son objectif est d'utiliser ces cellules en tant qu'outils pour comprendre les maladies génétiques et d'identifier des traitements dans le cadre de la thérapie cellulaire. Cette technique consiste à utiliser des cellules souches pour réparer un organe ou un tissu endommagé. Ces cellules, qui proviennent du patient ou d'un donneur, sont cultivées pour être multipliées, puis être ensuite greffées au malade. Les chercheurs du centre de recherches ont fabriqué de A à Z une rétine humaine pour des applications en médecine régénérative. Karim Ben M'Barek est en charge de l'équipe rétinopathie et responsable de ce projet "On utilise la bio-ingénierie tissulaire, technologie permettant de fabriquer en laboratoire tout une partie d'un organe, pour remplacer la rétine." Une technique qui permet de reconstituer les cellules de l'oeil perdues avec la dégénérescence de la rétine. "C'est donc une membrane fabriquée ici à Evry, permettant aux photorécepteurs de se développer."

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Karim Ben M'Barek, chargé de recherches dans l'équipe rétinopathie

Le fruit de ces recherches bénéficie également aux maladies fréquentes. Les thérapies céllulaires et géniques sont testées sur des maladies neurodégénératives comme celle de Parkinson, ou des maladies cardiaques tels que l'infarctus du myocarde. Actuellement, 30 médicaments de thérapies géniques sont disponibles pour traiter des cancers, des maladies du pancréas, ou encore des maladies cardiovasculaires.


Des coûts de production pharaonique

Pour produire les recherches, les essais cliniques et les médicaments, il faut sortir le chéquier. François Lamy, vice-président de l'AFM-Téléthon, évoque le sujet "Des essais en laboratoire peuvent coûter un million d'euros, nos bioréacteurs coûtent 250'000 euros /pièce." Un financement qui se réalise via les dons et les subventions. L'état français n'apporte pas de soutien à proprement parlé. François Lamy se veut réaliste "L'objectif à moyen terme est de réduire les coûts, augmenter en fait les rendements et aussi améliorer la qualité." En 2023, 53,3 millions d'euros de la 37ème édition ont été reversés pour la recherche et le développement thérapeutique.

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François Lamy, vice-président de l'AFM-Téléthon

Les laboratoires du Téléthon, ce sont 350 programmes de recherche et "jeunes chercheurs", et 40 essais cliniques sont à venir pour 33 maladies différentes. La 38ème édition du Téléthon démarre ce vendredi 29 novembre 2024.

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Safaa Saker, responsable de la Banque d'ADN et de Cellules chez Genethon

Aymeric Violet 

Crédit photos: Esteban Loubatière©